ungendarmeautchad
TRENTE CINQUIEME JOUR
Une petite ornière |
Je me suis levé bien avant l'aube, difficilement, craignant de sortir de mon sac de couchage et d'exposer mon corps à la froideur de l'aube. Une nécessité naturelle me contraignait néanmoins à le faire.
De retour de commission, avec ma pelle, je trouve refuge au près du feu de bois. Mon blouson polaire commence à puer la fumée, moi aussi.
Nous quittons le bivouac pour 07h00 en direction de Guereda.
Le vent souffle fort, soulevant la poussière. Nous aurons froid toute la journée.
La route est bordée de nombreux villages, nous apercevons des troupeaux d'animaux domestiques auprès des points d'eau.
Nous arrivons à Guereda pour midi, nous nous arrêtons avant le village, en rase campagne, pour avaler une boîte de rations accompagnée d'un morceau de pain local et d'une tranche de pastèque locale également. Je me contente d'une soupe réchauffée, à peine, sur un réchaud à alcool.
La ville est bien plus petite que Iriba. La grande rue est étroite, poussiéreuse, venteuse.
Nous visitons le préfet qui nous reçoit amicalement et nous offre un thé amer. Nous faisons un tour dans la ville pour repérer les lieux pendant que le reste de la rame va installer le bivouac plus loin à l'extérieur. Je remarque des lampadaires à panneaux solaires implantés ci et là, sans que je puisse en déceler un schéma quelconque.
Nous cherchons l'état-major de la 6ème Région Militaire que vous trouvons avec beaucoup de difficultés. Il est installé en dehors de la ville, dans un ancien camp de la Minurcat maintenant déserté de ses anciens occupants.
L'intérieur n'est occupé que pas quelques cases où logent de rares soldats et deux CORIMECS qui servent au général et à son état-major.
Des roquettes anti-char traînent sous les bâtiments, à même le sol. Un pick-up blindé stationne dans un coin.
Nous gagnons le bivouac, installé au pied d'une petite butte, où, malheur, des enfants se rassemblent déjà. Ils sont quatre ou cinq, à tourner autour des camions la main tendue, cette scie lancinante à la bouche : « DONNE LE CADEAU, DONNE LE CADEAU, DONNE LE CADEAU, DONNE LE CADEAU, DONNE LE CADEAU... ».
Personne ne leur donne rien, au risque de voir débarquer toute la jeunesse du pays à des milles à la ronde. Ils auront demain, au moment de notre départ.
Leur manège fait sourire, cinq minutes, au-delà vous sentez l'exaspération qui vous gagne. Ils resteront là jusqu'à la nuit tombée et c'est bien long.
Le mécano a installé une douche de campagne derrière le lot 7, une petite pompe branchée sur la batterie et plongée dans un seau d'eau chauffée au feu de bois. Un morceau de palette est posé au sol comme bac à douche. Des panneaux de fibre isolent des vues indiscrètes. La douche est rapide mais délicieuse. Je revis.
- Commentaires textes : Écrire
TRENTE SIXIEME JOUR
Ils sont parmi nous |
Aujourd'hui, comme nous restons sur Guereda pendant la matinée, nous pouvons faire le grasse matinée, réveil à 06h30, départ à 07h30.
Nous nous rendons au village, laissant les véhicules d'allègement au bivouac.
Le vent souffle plus fort que hier. Il soulève des nuages de poussière. Je sers mon chèche autour de mon visage mais je sens le sable qui crisse sous mes dents.
Avec les officiers, je fais le tour des autorités de la ville, DIS, gendarmerie, ANT, UNHCR, pendant que les soldats font quelques emplettes.
Nous goûtons des beignets qu'une petite fille vend, assise à même le sol, en pleine rue. Ils sont délicieux mais assez gras.
Je discute avec un jeune homme qui se dit instituteur, quelque part au milieu de la brousse, à des kilomètres de là. Il est venu passer le week-end en ville.
Nous regagnons le bivouac. Ca yest, les enfants sont de retour, plus nombreux. Le chef mécano les a rassemblés autour du feu et leur fait la leçon. Il leur distribue, au compte goutte pour les garder tranquilles et attentifs, les gâteaux des boîtes de ration.
Mais ils sont à l'affut de tout, du moindre de nos gestes, si nous ouvrons une boîte, si nous jetons quelque chose au sol, s'il y a quelque chose à récupérer. L'auxiliaire sanitaire emmène une petite fille pour soigner une plaie, la moitié des enfants la suit. Non par crainte qu'il lui arrive malheur mais de crainte qu'ils ne soient pas là si nous donnons un cadeau à la petite fille.
Nous devons manger avant de partir. La classe improvisée se disperse et les enfants reviennent à leurs habitudes. Ils tournent et retournent sans cesse autour des camions, la main tendue, cette sempiternelle litanie à la bouche : « DONNE LE CADEAU, DONNE LE CADEAU, DONNE LE CADEAU, DONNE LE CADEAU, DONNE LE CADEAU.... ». C'est à devenir fou.
Nous donnons bien sûr, ce que nous ne mangeons pas dans les boîtes de ration. Mais rien ne peut les contenter, ces petits monstres. Ils en veulent encore et toujours plus, allant jusqu'à se battre entre eux, s'arrachant les boîtes et les paquets des mains.
Même quand nous n'avons plus rien à donner, ils demandent encore et toujours.
Nous quittons les lieux, ils courent derrière nous la main tendue, réclamant le cadeau.
La vitesse du convoi nous sauve de leur exaspérante insistance. La route fait une boucle et certains enfants traversent encore au plus court pour nous rejoindre et réclamer d'autres cadeaux.
- Commentaires textes : Écrire
TRENTE SEPTIEME JOUR
La piste, encore la piste |
Nous visitons le sous-préfet qui nous offre des sodas et des beignets secs, assez bons. Une souris, ou un rat, se hasarde dans la grande salle vide où nous sommes reçus. Elle court se cacher sous une caisse.
Des douilles de tous calibres parsèment le sol, restes des combats de 2008. Notre guide tchadien y était, ils avaient alors détruits plusieurs picks-ups de rebelles.
Nous allons voir les gendarmes et les gardes nomades. Leur accueil est à l'image de la température. Nous n'insistons pas.
Nous faisons quelques courses dans le village avant de repartir à 13h00.
Nous sommes à moins de 50 kilomètres de Abéché et pourrions être de retour à la base avant le soir mais quelque chose est prévu à la nuit tombée. Nous devrons encore bivouaquer à la belle étoile. Nous devrons encore nous les geler, je devrai encore subir le manque de soleil. Nous nous arrêtons à mi-chemin pour dresser notre camp.
Une bousculade se produit le repas du soir à peine terminé. Un militaire a été blessé à l'oeil. La blessure est grave. Il faut l'évacuer de toute urgence sur Abéché. Une évacuation sanitaire par hélicoptère est demandée.
Il fait nuit noire. Une zone d'atterrissage est balisée. Moins d'une demi-heure plus tard, le souffle des tuyères se fait entendre et les feux de position du Puma clignotent dans le noir, à l'écart du campement.
Par mesures de sécurité, seul le minimum de personnels nécessaire est admis sur la zone de posé. Je n'en suis pas. A défaut des images, je me contente du son. Je vais me coucher. Fin de l'exercice de nuit.
- Commentaires textes : Écrire
TRENTE HUITIEME JOUR
Levée de soleil sur la brousse |
Je décharge mes affaires et je regagne ma chambre. Quel soulagement, quel plaisir de retrouver cette pauvre petite pièce aux murs pisseux. Rien n'a bougé pendant ces dix jours, sauf que le sol est jonché des cadavres noirs de plusieurs grillons. Il y a eu une invasion sur le camp durant mon absence.
Je range mes effets, je dépoussière mes sacs, je cire mes rangers. Je me dirige alors seulement vers la douche, savourant d'avance la chaleur de l'eau sur mon corps frigorifié.
HORREUR, MALHEUR, DESESPOIR, l'eau de la douche est froide. Le cumulus est en panne depuis notre départ et n'a pas encore été réparé. Je fais avec et je me glisse timidement sous le jet. Il n'est pas trop glacé. Cela fait du bien malgré tout.
Je retrouve tout le petit monde de la base au déjeuner. Je savoure enfin un bon et vrai repas.
Je profite de l'après-midi pour faire une sieste réparatrice.
J'ai reçu un colis de la famille, cognac, chocolats fins, petits gâteaux alsaciens, une boîte de pâté HENAFF, le pâté des matafs. Miam, Miam !
TRENTE NEUVIEME JOUR
Troupeau de bêtes |
Seul le COMDET participe aux cérémonies, défilé interminable, course de chevaux, garden party chez le gouverneur.
Pas de personnels civils aujourd'hui, pas d'ordinaire, pas de mess, pas de repas préparés. L'adjudant d'unité distribue des rations de combat.
Avec quelques autres, nous prenons le déjeuner dans un service qui a commandé un « coupé-coupé » auprès d'un employé civil de la base, une sorte d'émincé de viande accompagné de pommes de terre. La viande est dure mais c'est toujours mieux que les tortellinis au boeuf de la ration. On amène du foie gras, reste de colis de Noël, il accompagne bien le « coupé-coupé ».
Le soir, nous dînons dans un autre service, conserves de pâtés, foie gras. Je ramène mon pâté HENAFF.
- Commentaires textes : Écrire
Lire les commentaires textes
Sympa votre blog qui nous fait découvrir un autre coté de votre métier. Courage à vous. GUY