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VINGT CINQUIEME JOUR
Hélicoptère Puma, en cas d'EVASAN |
Mardi, 28 décembre. J'ai mal dormi, réveillé plusieurs fois dans la nuit, les yeux grands ouverts dès 05h00. J'hésite à me lever pour aller courir. J'y renonce finalement, j'irai après la sieste.
J'emmène mon linge à la buanderie et c'est là que je me rends compte que j'en ai peut être pas emmené assez avec moi. J'ai déjà sacrifié un caleçon, un second donne des signes de faiblesse et j'attaque mes réserves de chaussettes. Si, comme prévu, je pars huit jours en MR, non, on dit TP maintenant, je serai juste à mon retour, surtout que samedi c'est férié, pas de lessive. Il faudra que je sorte la brosse à laver et le savon de marseille.
Plusieurs Transalls sont prévus aujourd'hui pour désengager les commandos et leurs véhicules à la Mad Max. Quand on veut, il y a des moyens.
Un brouillon de la note de service de la TP est diffusé, je serai parti du 02 au 10 janvier, huit nuits à la belle étoile, plusieurs centaines de kilomètres à parcourir sur des pistes de sable, des confins du désert au fond du Sahel et jusque sur la frontière du Darfour. Casque lourd, gilet pare-balles et armement à portée de mains, il n'y a pas vraiment de risque mais une colonne avertie en vaut deux. Nous ne sommes quand même pas en vacances.
BLOMKVIST et SALANDER s'en sont allés à l'issue du premier tome, le seul que j'ai emmené. Je découvre la bibliothèque de la base. Le choix est plutôt réduit. Je choisis un incunable, VIE DES MARTYRS 1914 – 1916, de Georges DUHAMEL, de l'Académie Française, édition Mercure de France de 1938. Je feuillette avec précaution les pages brunies par le temps. Desséchées comme les feuilles d'un arbre à l'automne, elles craquent sous mes doigts.
Un gros van noir de marque américaine, les vitres fumées, dépourvu de plaque s'arrête devant l'infirmerie, escorté par les MCM. Des africains en uniforme, imposants en taille et en grade en descendent et pénètrent dans le centre de soins. Il y a au moins un général parmi eux. Ils viennent se faire soigner.
La planche de bord du véhicule est recouverte d'une fourrure, synthèthique ?, d'un effet très surprenant.
J'accompagne les infirmiers à l'entrée de la base où ils trient les civils autorisés à venir se faire soigner au centre médical. Il y a plus de volontaires que de places disponibles, il faut faire un choix. Des militaires tchadiens viennent vers moi, une sorte de carnet de santé à la main, je les renvoie vers les infirmiers locaux qui nous accompagnent. Tout le monde veut entrer en même temps, même ceux qui n'ont pas de sésame. Nos sentinelles ferment les grilles pour éviter la ruée. Les infirmiers tchadiens mettent un peu d'ordre. Les militaires passent en premier, puis les hommes et enfin les femmes avec les enfants. La mode militaire tchadienne est curieuse, on chausse les rangers délacées. La plupart des soldats porte des filets camouflés en turban. Les uniformes sont disparates mais propres.
Je passe un quart d'heure au soleil et je suis en nage, même sans bouger.
Je regagne la prévôté pour finir de nettoyer le frigo de notre salle de repos. Une cannette de soda, placée par mégarde sous le freezer, a explosé sous la pression du gel. Il y en a partout et ça colle.
Je passe chez le coiffeur pour une boule à zéro. Il faut s'alléger.
J'ai accroché mon brassard de prévôt à une poutre de la chicane de l'entrée, je vais encore devoir me mettre à la couture.
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VINGT SIXIEME JOUR
La vitrine aux entrées et aux déserts |
Mercredi, 29 décembre, le président tchadien, Idris DEBY, est prévu de venir sur ABECHE pour la pose de la première pierre de la succursale de la banque des états d'Afrique Centrale. Le COMDET sera de la fête, avec Jean-Marc. Le rendez-vous est prévu pour 08h00. Malheureusement, le président aura du retard, il n'arrivera que vers 11h00.
09h00, contre-ordre, ce n'est plus le président qui vient mais son premier ministre. Selon Jean-Marc, qui rentre à 15h00, la cérémonie fut très longue quoique assez colorée.
L'après-midi, je me promène près du marigot des eaux usés, un vol d'ibis sacrés prend son envol.
La vétérinaire de N'DJAMENA vient en visite demain. Elle a demandé de répertorier toutes les mascottes de la base, Imar et sa famille bien sûr mais également les tortues et les poules que l'on trouve dans presque tous les services. Le COMSECU s'efforce à attirer Imar dans son enclos. Tâche plutôt facile pour l'ânesse et l'ânon, mais Imar refuse obstinément d'entrer, quoi d'étonnant de la part d'un âne. Même l'appât d'un morceau de pain ne suffit pas. L'animal tente de fuir, il est cerné, il tourne étrangement son arrière-train vers ceux qui l'approche de trop près, attention à ses ruades. Finalement, nous réussissons à le pousser dans l'enclos. Espérons qu'il y restera toute la nuit, et sans braire.
Avant le dîner, avec Jean-Marc, nous visitions une « popote ». Une partie de pétanque fait rage. Nous en sommes et gagnons une manche.
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VINGT SEPTIEME JOUR
c'était plus facile pour le reste de sa famille |
une VAM arrive pour 09h00, le COMPREVOT est de la partie, avec tout un aréopage d'officiers supérieurs. Nous l'accueillons à la descende du Casa. C'est sa deuxième visite à ABECHE. Nous prenons un café, parlons un peu boulot et nous l'emmenons en ville pour une petite visite touristique.
Le boulevard devant l'aéroport garde encore les traces, surtout olfactives, de la foule de la veille, venue en chameau, à cheval, sur un âne, assister à la venue du premier ministre.
Dans le centre-ville, nous sommes bloqués par une cavalcade. Une centaine de cavaliers défile dans le plus pur désordre, encombrant notre voie de circulation. Les conducteurs du cru ne s'embêtent pas, ils déboitent sur la voie de gauche et la remonte à contre sens. Pour notre part, nous roulons doucement au pas derrière eux pour profiter du spectacle. Les habits des cavaliers sont quelconques mais les selles et les harnais sont richement décorés.
Jean-Marc prévoyait de me relever à mi-parcours de la prochaine TP à laquelle je vais participer mais il déclare forfait. Je ferai donc les huit jours. Je m'imprègne de la note de service, farcie d'acronymes purement militaires qui me sont totalement étrangers. Je commence à préparer mes affaires, je perçois une trousse de premiers secours, je vérifie mon lit picot et sa moustiquaire, je dépoussière mon gilet pare-balles, j'ajuste mon casque lourd. Je numérote mes abattis.
Au déjeuner, nous avons de la tarte aux pommes au dessert mais je me retiens, je me contente d'une tranche de pastèque.
Ce soir, nous allons dîner en ville, au SHANGHAI, un restaurant chinois à deux pas du camp.
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VINGT HUITIEME JOUR
Une popote |
Une femme nous guide vers une petite salle adjacente où milieu de laquelle trône une immense table ronde munie d'un plateau central pivotant.
La carte des menus, en français et en anglais, semble prometteuse mais, malheureusement beaucoup de plats ne sont pas disponibles. Je me contente d'un steak « jenesaisplusquoi ». La serveuse, chinoise, ou du moins asiatique, ne parle pas un mot de français et pas plus, je crois, d'anglais. Elle doit connaître sa carte par coeur pour prendre nos commandes sans se tromper. La viande doit encore être sur pieds car nous attendons une bonne heure avant d'être servis.
La bonne tenue des lieux, pour le Tchad, et la bière déjà bue, m'encouragent vers les toilettes. Plus propres que chez « Les Chinoises », je ne me hasarderais pas à m'y asseoir.
Nous quittons la place pour le VIP. L'établissement est au fond d'une impasse sans lumière mais près de l'avenue principale. De hauts murs de briques crues nous entourent. Le sol, de sable, est jonché de détritus. Nous nous garons en marche arrière près de l'entrée. Nous sommes six et nous avons trois pistolets. L'entrée du VIP est encombrée de motocyclettes, l'intérieur du bar également. C'est une grande cour de terre battue avec une piste de danse couverte au milieu, des tables sont réparties tout autour. Le comptoir, dans un coin de la cour, sous un auvent, est protégé par une grille de fer.
Nous nous installons à une grossière table de bois, sur de grossiers bancs de bois d'où émergent les têtes de vieux clous rouillés.
Un serveur ( ? ) vient prendre commande, coca, guiness, galo ou castel ? Jean-Marc prend un coca, en bouteille, je m'en méfie même capsulé depuis que j'ai visionné un diaporama qui circule sur le net. Nous nous rabattons sur de la bière, qui reste malgré tout la plus hygiénique des boissons puisqu'elle est le meilleur moyen que l'homme a trouvé pour conserver l'eau.
Dans la salle, dans la cour, presque toutes les tables sont occupées, essentiellement par de jeunes hommes, les femmes sont rares. Une seule est habillée à l'européenne.
Il fait assez froid. Je baisse les manches de ma veste et je remonte mon col. Plusieurs clients sont emmitouflés dans des anoraks, capuche sur la tête. Certains nous interpellent aimablement et nous invitent sur la piste de danse. Michel et Pépé s'y risquent.
Jean-Marc essaye les toilettes, une sorte de vespasienne sombre comme un four à côté de l'entrée. Je me retiens. La salle, la cour, se vide peu à peu. Nous faisons de même avec nos bières, et la coca de Jean-Marc, et nous regagnons la base. Il est 22h30.
Michel et moi finissons la soirée dans une popote. Je regagne mes pénates un peu avant minuit et je m'effondre sur mon lit, la lumière et la télé allumées.
Je me réveille un peu vaseux. Je saute le petit déjeuner. Il est avantageusement remplacé par un casse-croûte généreusement offert à Syracuse. Presque tout le DETSOUT s'y retrouve pour partager foie gras, pâté du sud-ouest, boudin en conserve, saucisson, sardines en boîte, pour ceux qui aiment, et un petit vin rouge pas piqué des hannetons. Jean-Marc ouvre son époisse mais il renonce à le manger, l'odeur est un peu trop infernale. Il part à la réunion RENS, je reste pour finir le foie gras.
Aujourd'hui, veille de la nouvelle année, la base fait un peu relâche et pratique la relaxation sportive, tournoi de pétanque, de babyfoot et de ping-pong.
Mon tour passé, je vais faire une petite sieste pour récupérer de ma courte nuit.
Ce soir, repas de réveillon, je vous en donnerai le menu au prochain épisode.
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VINGT NEUVIEME JOUR
Samedi, 01 janvier, j'ai mal dormi, j'ai été malade, peut être une gastro. Je prends deux imodiums. Je fais une petite lessive, à la main, histoire de compléter ma dotation vestimentaire pour mes dix jours de tournée de province.
La soirée du réveillon fut plutôt bien réussie, sauf l'apéritif qui fut innommable, non qu'il était pas bon mais d'une saveur et d'une texture qui ne rappelaient rien de connu. Le reste du repas fut à la hauteur du réveillon précédent, magret fumé, jambon sec, verrine en entrée, feuilleté de magret frais en plat principal, assortiment de fromage bien sûr et d'énormes déserts glacés avec brochettes de fruits.
L'ambiance fut assez martiale avec des militaires qui grimpent sur les tables et les bancs pour entonner des chants aux paroles simplistes mais entraînantes, très cohésion, très esprit de corps.
A 22h00, toute la troupe se transporte vers le foyer où un groupe de musique local anime le reste de la soirée. Quelques soldats se travestissent en femmes grotesques et font danser leurs camarades.
Vers minuit, l'assistance s'éclaircit, les musiciens lèvent le camp. Je rentre me coucher, je souhaite la bonne année à ceux que je rencontre en chemin. J'entends, dans le lointain, que le réveillon se poursuit dans certaines popotes.
A midi, les caporaux-chefs du détachement organisent un barbecue. Il manque au moins la moitié de l'effectif, certainement coincée entre les draps. Les yeux sont petits, l'eau fraiche n'a que des amis. Chacun souhaite à l'autre ses meilleurs voeux. Je mange sans véritable appétit.
Entre deux mauvais petits sommes, je finis de préparer mon paquetage. Ce soir, je ne mange pas, une petite diète me fera du bien.
Demain, dans l'après-midi, je pars donc pour neuf jours, direction la brousse, retour le 10 janvier. N'attendez pas de nouveaux articles avant cette date, à moins que, aléas du voyage, nous ne soyons de retour avant.
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