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CENT SOIXANTE DIX SEPTIEME JOUR
Le temps d'une douche, de préparer son sac et il est déjà 05h30. Nous devons nous rassembler sur la place d'armes dans un quart d'heure. François vient me chercher en voiture et me dépose 200 mètres plus loin. Nous sommes une bonne cinquantaine, de l'armée de terre, de l'aviation, moi de la gendarmerie, personne de la marine, tous en instance de départ. Certains sont en treillis, ceux qui rentrent en unité constituée, beaucoup sont en civils, ceux qui voyagent en individuels. Je retrouve des têtes connus venus comme moi de Abéché.
Deux GBC nous attendent pour nous transporter jusqu'à l'aéroport civil de N'Djamena. François fait le taxi pour moi avec le Kangoo de la brigade, plus confortable que les gros culs.
La ville est presque vide, non pour cause d'heure matinale mais pour cause de plan tapis rouge. Je remarque un militaire en arme au bord de la route. Surprenant, il n'est pas rare de voir des soldats tchadiens déambulés ou faire du stop à toutes heures de la journée mais ils ne sont jamais armés. Plus loin, à un carrefour, c'est tout un pick-up débordant de militaires et de mitrailleuses qui stationne. Jusqu'à l'aéroport, ils sont là, échelonnés le long des avenues, la kalashnikov ou le galil en batterie, assurant la sécurité de l'itinéraire depuis la présidence ou un quelconque ministère.
C'est de mauvaise augure pour notre départ. Qui dit tapis rouge dit aucun décollage ni atterrissage jusqu'à nouvel ordre, parfois pendant plusieurs heures. C'est pas encore gagné.
A l'aéroport international HASSAN DJAMOUS, c'est un véritable déploiement de force, policiers, motards, ANT, pick-ups blindés, militaires sur la tour de contrôle, le long des pistes, garde d'honneur en habits d'apparat, tapis rouge, celui que l'on étale au sol.
Nous patientons une petite demi-heure avant de passer en zone internationale, guidés par les personnels de l'escale de l'armée de l'air française, aucune formalité douanière, scan de nos bagages à main pour la forme. Le personnel de sécurité tchadien ne s'intéresse qu'aux briquets.
La salle d'attente est propre, climatisée, des rangées de sièges et un poste télé sont les seuls mobiliers. A travers les larges baies vitrées, nous suivons avec attention l'évolution de la situation. L'avion officiel tchadien est en attente, relié au salon VIP par le fameux tapis rouge, des officiels patientent, la garde d'honneur aussi. Chacun y va de son anectode sur la durée possible du plan tapis rouge. Un gars du génie de l'air raconte qu'en 2010, il revient au Tchad tous les ans, ils sont restés bloqués trois heures en salle d'attente avant de pouvoir embarquer. Trois heures de retard au décollage, trois heures de retard à l'arrivée avec toutes les conséquences sur les horaires de train prévus.
Finalement, nous avons de la chance. Ce ne semble pas être Son Excellence qui embarque mais un vague ministre. La cérémonie est bouclée en quelques minutes et l'avion tchadien décolle. Un quart d'heure plus tard, tout le dispositif militaire de bouclage est levé.
Sur la piste un Transall décolle, il emmène la relève de Abéché. La transition est rapide, arrivés la veille, ils débarquent le lendemain au fin fond du Sahel.
Nous pouvons embarquer à bord de l'Airbus A 310 de l'escadron ESTEREL de la base aérienne de CREIL.
http://fr.wikipedia.org/wiki/Escadron_de_transport_3/60_Est%C3%A9rel
C'est pas AIR FRANCE mais c'est pas mal. L'avion est propre, spacieux, l'équipage attentionné. L'appareil est à moitié vide, ou plein, c'est selon, nous pouvons nous étaler. Je partage une rangée de deux sièges sur tribord, côté allée. J'ai de la place pour les jambes et mes coudes. je prends mes aises.
A peine installés, nous décollons déjà, il est 08h00, arrivée prévue dans six heures, vers 15h00 heure française. Là je crois que je tiens vraiment le bon bout. Je suis sûr et certain, ou presque, d'arrivée en France aujourd'hui.
Par le hublot de ma voisine, j'entrevois N'Djaména de jour, un vaste quadrillage de maisons basses aux toits de tôle et le cours sinueux et boueux du Chari, où je n'ai toujours pas vu d'hippopotames. Le Sahel apparaît en dessous de nous en de vastes parcelles grisâtres, ombres des nuages ? Brûlis ? Le ciel est couvert et il n'y a pas cet éclat de lumière habituel.
Nous prenons de l'altitude et grimpons au dessus des nuages. Le Tchad et six mois de ma vie disparaissent derrière les limbes cotonneuses des nuées.
Je caparaçonne mes oreilles derrière les écouteurs de mon IPOD et je plonge mes yeux dans Les Dents du Tigre de Tom Clancy. Ce ne sont plus les aventures de Jack Ryan senior que je suis mais celle de son fils, Jack Ryan junior. J'apprends que le premier a fini président des USA. Aurais-je rater quelques épisodes ? Le livre est moyen, j'ai connu l'auteur mieux inspiré. L'intrigue, improbable, a du mal à se mettre en place et finit en queue de poisson.
Le service a bord est correct, simple mais correct, café et biscuits pour le petit déjeuner, puis tour régulier du personnel pour nous offrir des boissons, de l'eau minérale. Il est vrai qu'il est un peu tôt pour quelque chose de plus corsé.
Au déjeuner, crackers que l'on tartine de rillettes de homard, taboulé et en principal un plat cuisiné réchauffé tiré des menus des rations de combat, poulet à la parisienne je crois. Nous n'allons pas nous plaindre, c'est chaud, bien servi, bien accompagné et lorsque l'on sait que les rations de combats françaises sont les meilleures du marché, que demandez de plus ? Un verre de vin peut être. Nous sommes au régime sec à bord, enfin quand je dis sec... Nous n'avons droit qu'à de l'eau, plate ou pétillante. Que voulez-vous, c'est l'armée moderne. Encore quelques années et l'alcool aura complétement disparu du milieu militaire, comme dans l'US ARMY.
Plongé soit dans ma lecture soit dans une sieste, je ne vois pas grand chose des paysages que nous survolons, un morceau de désert entre Niger et Algérie, une flaque de Méditerranée et voilà les Alpes aux sommets encore enneigés.
le pilote annonce notre atterrissage prochain alors que sous les ailes glisse la campagne bourguignonne avec son quadrillage vert et jaune.
Comme pour le décollage, je suis surpris par la rapidité de l'atterrissage. A peine le temps de ranger mes affaires que nous nous posons à Roissy Charles de Gaulle. Il est à peine 14h30. Puis tout va très vite, nous descendons de l'avion directement sur le tarmac et nous embarquons dans des bus qui nous déposent au terminal. Le passage de la PAF est une formalité. Encore quelques minutes à errer dans les couloirs en cherchant l'arrivée des bagages et nos sacs défilent déjà sur le tapis roulant. Les miens sont parmi les premiers. Je les charge sur un chariot, un dernier adieu à la cantonade à mes collègues militaires et je file vers le métro automatique qui désert toutes les aérogares, dont la 2 et la gare SNCF et RER.
Manque de pot, je ne peux emmener mon chariot au-delà des limites de la présente aérogare. Je dois me charger comme un bourricot, 20 kilos sur le dos, 20 kilos à tirer à la main ( merci l'inventeur des bagages à roulettes ), 10 kilos au bout de ma main, et je me traîne pesamment dans les couloirs, encore heureux que je puisse profiter des tapis roulants.
Aérogare 2, gare SNCF, je suis face à un dilemme, attendre 19h00 et le TGV où j'ai réservé ma place par avance, arrivée 21h30 à STRASBOURG, ou tenter d'en attraper un plus tôt, dans ce cas je dois me rendre gare de l'Est. Ce qui veut dire prendre le RER jusqu'à gare du Nord, puis le métro jusqu'à gare de l'Est et trouver une place libre sur le premier train en partance. Il est 15h45. J'ai le choix avec le TGV de 16h54, un peu juste, le TGV de 17h24 faisable, le TGV de 17h54 réalisable, le TGV de 18h24 plus que réalisable et le TGV de 19h00 qui est assuré car ma place est déjà réservée.
Je tente le coup. J'attrape facilement le RER de 16h00 qui me dépose une demi-heure plus tard gare du Nord, après avoir tout apprisde la vie privée d'une famille américaine dont la femme n'est pas avare de détails avec un de ses compatriotes. Peut être pense-t-elle que personne ne la comprend dans sa langue ou bien les américains parlent haut et fort par nature.
Les couloirs du RER et du métro de la gare du Nord ne sont pas des plus accueillants tant par le décor que par la faune qui y traîne. Je peine dans les couloirs à tirer mon barda, au bord de l'asphyxie et de la crise cardiaque. La rame de métro qui s'arrête devant moi est pleine à craquer. J'appréhende d'y pénétrer avec tous mes sacs. Heureusement, elle se vide et j'y monte à l'aise avec toute la place qu'il me faut.
Gare de l'Est n'est qu'une station plus loin. Sur le quai, je sens déjà l'air vivifiant de la ligne bleue des Vosges. Il est presque 16h40, je ne dois pas perdre de temps à changer mon billet. Au guichet, le réceptionniste me propose le 16h54, j'y renonce, mieux vaut tenir que courir. Avec le 17h24, j'ai le temps d'y aller tranquillement et de m'abreuver d'une bière alsacienne. Aaaah ! Ca change des galas et autres castels africaines si fadasses. Quant au bretzel qui l'accompagne, c'est un délice. Je revis enfin.
Il fait chaud en ce dernier dimanche de mai mais une chaleur beaucoup plus douce qu'au Tchad. J'appelerais cela une fraiche chaleur. La campagne qui défile derrière la vitre du wagon a ses habits de printemps. Il y a six mois je quittais la France engoncé dans mes polaires, les oreilles rougies par la bise, le pays était figé sous la neige et le gel.
Aux mornes plaines champenoises succèdent les vallées et les bois de l'Argonne puis le plateau lorrain avec des noms qui résonnent agréablement à mes oreilles, Bénestroff, Sarrebourg, et c'est l'Alsace, Saverne, Hochfelden, Brumath et enfin Strasbourg.
La boucle est bouclée, je retrouve ma famille sur le quai où je l'avais quitté voilà six mois.
Une parenthèse, une agréable parenthèse se ferme mais ma vie, ma vraie vie reprend. Vais-je le regretter ?
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VIDEOS
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ARRIVEE TCHAD |
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CAS
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CAS |
Dans le cas présent, je crois plutôt que nos gonfleurs d'hélice se servaient de nos véhicules comme de cibles. Lorsque nous voyons les Mirages passés à quelques dizaines de mètres au-dessus de nos têtes à plusieurs centaines de kilomètres à l'heure, on se dit :"pauvres de nous, heureusement qu'ils ne sont pas armés".
Même avec les plus petites des bombes, il ne serait pas resté grand-chose de nous en cas de bombardement réel.
La bande-son ne le rend pas trop mais vous avez intérêt à vous boucher les oreilles lorsqu'ils arrivent !
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UN PEU DE TOURISME
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VISITE D ABECHE |
Pour le prochain épisode, je vous promets quelque chose de plus guerrier.
J'avais quelques problèmes pour mettre en ligne la vidéo, la voici donc, mieux vaut tard que jamais.
Il n'y a pas de musique l'accompagnant pour des raisons de droits d'auteur ( cf DAYLIMOTION )
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POSE D ASSAUT
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POSE D ASSAUT |
Vous pouvez essayer de me reconnaître. Je débarque au sein de la file de droite, je suis en tenue camouflée centre-europe et je porte un étui de cuisse pour mon pistolet automatique.
Pour les détails de l'aventure, reportez vous à l'article du cent douzième jour, 25 mars 2011.
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