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CENT QUARANTE SEPTIEME JOUR
Nous passons par la case prison avant de rentrer à la base. Le régisseur adjoint, un chef d'escadron de gendarmerie, idem pour le régisseur en chef, est malade. Il voudrait un rendez-vous à l'infirmerie de la base. Un coup de fil et l'affaire est dans le sac. Rendez-vous est pris pour le malade.
Comme en France, les prisons tchadiennes sont surpeuplées, 400 pensionnaires pour 100 places et 04 gardiens, de la garde nationale nomade tchadienne. Comme il n'existe pas d'administration pénitentiaire, l'établissement est dirigé par des officiers de gendarmerie. Au nombre de deux, ils se partagent une misérable petite pièce qui ouvre directement sur la rue. Le sol est en terre battue. Aucune fenêtre. Les bureaux sont surchargés de dossiers. Seule concession au modernisme, un frigo dans un coin mais je ne sais pas s'il fonctionne. Il y a ce qui me semble être des cartons de matériels informatiques sur un banc.
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CENT QUARANTE HUITIEME JOUR
Cette journée de fin de semaine, où nous ne travaillons qu'en matinée, se déroule sans surprise, sans événement notable. Les VAMs restent toujours aléatoires mais leurs arrivées ne suscitent plus aucun émoi. Voilà longtemps déjà que nous sommes rentrés dans la routine quotidienne et hebdomadaire, si encore elle était rompue par des activités quelconques, tournées de province, aide médicale à la population, tirs, mais nous sommes bloqués sur la base à monter la garde, encore et toujours.
Un incident notable toutefois, ma clé USB est grillée. Damnation, toute ma documentation professionnelle a disparu et je n'ai aucune sauvegarde, ni ici ni en France.
J'appelle au secours le service des transmissions mais il ne peut rien faire pour moi.
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CENT QUARANTE NEUVIEME JOUR
Le temps est à la pluie |
Au déjeuner, jambon fumé comme d'habitude mais je l'ignore me contentant d'une salade, par contre nous avons une tourte aux escargots, pas mauvaise je l'avoue, et du sauté d'autruche, bien cuit mais avec trop de ligaments. Je teste le dessert, gâteau basque, mais sans confiture. Il est gouteux mais plein d'eau, souvenir de son voyage congelé jusque sous les tropiques. Décidément je deviens difficile.
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CENT CINQUANTIEME JOUR
Comme le 1er mai, fête du travail, tombait un dimanche, les tchadiens profitent du jour férié en semaine, aujourd'hui donc. Par conséquence, pas un personnel civil de recrutement local ( pcrl ) ne travaille. Les cuisiniers français doivent se débrouiller seuls pour les repas. On mange dans le plastique, il n'y a pas de plongeurs non plus. Le déjeuner est une sorte de buffet froid assez quelconque, cuisses de poulet, deux sortes de charcuterie et salades à volonté.
Le dîner est remplacé par un barbecue réunissant tous les militaires de la base. Comme d'habitude, les sempiternelles mêmes salades, les mêmes saucisses toujours trop cuites.
On mange bien à Abéché, il faut le reconnaître, mieux qu'à N'Djamena, tout le monde le dit. C'est à mettre au compte des personnels de l'Economat des Armées qui gèrent le restaurant France, notre ordinaire. Mais ce sont toujours les mêmes plats, les mêmes préparations qui reviennent au fils des semaines. Vous comprendrez qu'au bout de cinq mois, j'en sois un peu lassé. Je rêve de tartes flambées, de fruits de mer, d'un steak tartare, d'un bon camembert au lait cru, d'un munster bien affiné, d'une entrecôte saignante sur le barbecue, d'une platée de spaghettis bolognaises ( bien trop rares ici, à mon goût ). Ah, un waterzoï de poissons ! Une garbure ! Des œufs aux plats ! Oui, je rêve même d'œufs au plat, avec des tranches de bacon grillés et des pancakes et du sirop d'érable.
Même les rares restaurants locaux ont épuisé leurs charmes, culinaires j'entends.
Comme nous sommes presque au régime sec, vin seulement le dimanche, et bière uniquement le soir, je salive en pensant à un whisky pur malt de derrière les fagots, fleurant bon la tourbe et l'air marin écossais, Dalwhinnie, Oban, Graggamore et autres. Même une simple kronenbourg ferait mon bonheur. Je commence à être gavé des bières locales, gala et autre castel. Et je ne parle même pas d'un bon vin blanc d'Alsace !
Il manquait lors de la dernière choucroute.
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CENT CINQUANTE ET UNIEME JOUR
Les nuits sont redevenues un peu plus fraîches, au petit matin je rajouterai presque de l'eau chaude à l'eau froide de la douche.
Nous allons en ville, remettre les invitations pour la cérémonie du 08 mai, COMLEGION, procureur de la république, président du tribunal. Il y a foule au tribunal, c'est jour d'audience mais nous sommes en avance, nous n'avons pas le temps d'attendre le début des débats. Dommage, ce serait intéressant. Les prisonniers bénéficient d'une garde armée jusqu'aux dents, je compte une RPD, un RPK et une AK 47 pour trois matons, une mitrailleuse légère, un fusil-mitrailleur et un fusil d'assaut. Si ça rafale, faudra se mettre à couvert.
Ce matin, les sergents et sergents-chefs étaient invités à partager le petit-déjeuner du COMDET, avec footing à l'issue en prime. Les pauvres.
Ce midi, c'est au tour des adjudants et adjudants-chefs, il n'y a pas de major, à partager la table du COMDET. Il est en fin de mission, encore quelques jours et il rentrera en France, après six mois de bons et loyaux de service. A ce moment là, je serai le doyen du camp, en temps de présence, pas en âge.
Il se lance dans un petit discours maladroit où il fait l'apologie du club du merlon. En effet, durant ces six mois, son seul horizon fut presque exclusivement les merlons de la base. Il n'a quitté la base qu'à de rares exceptions, visites chez le gouverneur, le préfet, le COMRM, le sultan, quelques cérémonies en ville. Il n'a pas quitté Abéché plus de cinq fois et uniquement pour se rendre au champ de tir de Chtigchika, à 50 kilomètres de là. J'ai eu l'occasion de visiter la Villa Lamy, où il loge, un simple CORIMEC deux fois plus petit que ma chambre. Son seul luxe, une douche et un WC privatifs. Même son bureau est plus vaste que son logement. Mais il a un super 4x4 japonais pour se déplacer, avec un drapeau sur l'aile, s'il vous plait.
Comme depuis Pâques tout le monde est bloqué à l'intérieur du camp, et pour encore une semaine, nous partageons avec lui son blues du merlon. On devrait peut être en faire une chanson.
« Ohhhh, merlon, merlonnnn,
Tu es mon seul horizonnnn,
Jour et nuit, je t'arpente,
Sur toutes tes pentes,.... »
Vous noterez au passage les rimes riches.
Nous mangeons le même repas que l'ordinaire, seule concession à l'ordinaire justement, un vin de Bourgueil ( l'exception qui confirme la règle ), pas le meilleur Loire mais là il gratte vraiment. Je déconseille les conteneurs KC 20 ou 40 comme cave à vin, surtout en plein soleil.
Sans surprise, la VAM d'aujourd'hui a été reportée à demain. Vivement les A400M ! D'ici cinq ou dix ans. M'est avis que le transport aérien militaire français a du soucis à se faire pour les prochaines années.
Pour arranger les choses, nous sommes à court, à court de tout. Le convoi ( civil ) de ravitaillement est quelque part entre N'Djaména et Abéché. Il arrivera peut être lundi, ou à Pâques, ou à la Trinité. On manque d'eau minérale, il n'y a plus de sirop de menthe ( pour changer de l'eau minérale ), la bière se fait rare ( pour changer de l'eau minérale à la menthe). D'ailleurs la bière est rare dans toute la ville.
Il y a quelques petites échoppes en ville qui vendent des spiritueux, interdites aux militaires français. C'est pourquoi la prévôté les surveille. Elles sont généralement bien achalandées. En ce moment, les whiskies de marque et le pastis français sont introuvables. Il y a bien une liqueur anisée en vente, elle vient du Cameroun. A la voir, on croirait une production française, elle y ressemble comme deux gouttes d'eau, mais ce n'est pas une copie. Elle s'appelle BRAVO ! Tout un programme. Les seuls boissons visibles et existantes sur les étagères, en peu d'exemplaires, sont bonnes à devenir aveugles.
Les vendeurs sont en attente de nouveaux arrivages.
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