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DIXIEME JOUR

Accident de la circulation devant la base Il a essayé d'entrer dans la base sans passer par la porte Maintenant faut réparer

Accident de la circulation devant la base
Accident de la circulation devant la base 

Lundi, 13 décembre, 05h30, mon téléphone sonne. Ce n'est que le réveil. Aujourd'hui grande cérémonie des couleurs, tout le monde se rassemble devant le mat des couleurs, nous formons les carrés, les couleurs nationales montent, nous entamons d'une seule voix la Marseillaise.

Je laisse mes camarades partir en sport pour un tour de la piste d'atterrissage, encore un peu long pour moi qui est encore en phase d'acclimatation.

A 08h00, grand rapport, le comdet réunit autour de lui tous les chefs de service et passe en revue les problèmes en cours et l'emploi du temps prévisionnel. Discussion assez technique où je me sens un peu étranger. La prochaine MR, prévue fin de semaine, mobilise l'attention de tous. Ce sera une grosse MR partant à la fois de N'DJAMENA et de ABECHE. PROTERRE, COS, KOUDOU, même les ERC 90 Sagaie seront de sortie. Le potentiel des véhicules en prendra un coup.

Jean-Marc revient de sa courte MR vers 09h00. Il a passé une nuit sur le terrain avec une section PROTERRE, ils ont mangé de la piste et de la poussière, quelques poulets grillés au feu de bois le soir et retour. Une excursion quoi, mais le cul dans un GBC, l'arme aux côté et le gilet pare-éclat et le casque lourd à portée de main.

Au menu du déjeuner, émincé de dinde, îles flottantes, tartes aux pommes. Encore un fois, je fais l'impasse sur les déserts. Jusqu'à quand tiendrais-je ?

Le tableau d'avancement de l'armée de terre a été publié, satisfaction pour de rares élus, désillusion pour les autres. Un pot impromptu est organisé au point énergie. Nous sommes cinq ou six à payer notre tournée. Je ne vais pas manger, je me contente de cacahuètes.

Vers 21h30, Jean-Marc et moi allons faire une ronde en ville. Nous passons devant un bar de nuit réputé accueillant, CHEZ LES CHINOISES. Je ne sais pas quel est son nom officiel mais tout le monde l'appelle ainsi. Il doit sa dénomination à la présence dans ses murs de quelques masseuses ( ? ) chinoises, et plus si affinités. Il est l'un des point de chute des militaires de la base et des personnels de la MINURCAT. Il se cache au bout d'une rue à la chaussée défoncée, derrière de hauts murs et un portail de fer clos, sans que rien ne le démarque des autres immeubles. L'établissement est presque vide, quelques tchadiens les filles sur les genoux, deux civils de l'ONU au bar, deux militaires de la base qui boivent tranquillement une bière à une table. Le bar est d'un dénuement monastique. Une envie pressante me saisit. Je visite les toilettes, un poème d'odeurs et de couleurs. Tout est calme. Nous regagnons le camp CROCI.

 

ONZIEME JOUR

Un peu de chez nous loin de chez nous, Il y a un dab !
Un peu de chez nous loin de chez nous, Il y a un dab ! 

Mardi, 14 décembre, 06h15, je me lève pour une nouvelle séance de footing autour du camp. Je commence à prendre mes habitudes. Cinq tours d'enceinte, quelques étirements, vingt « pompes », je prends une douche et je vais déjeuner. On peut sortir de la base pour faire courir autour de la piste d'atterrissage, mais il faut être au moins deux, et connaître le parcours.

Aujourd'hui, le comanfor et toute une brochette d'officiels viennent en inspection. Ils arrivent en TransalL de N'DJAMENA. Arrivée prévue à 08h45. Jean-Marc et moi en profitons pour emmener notre P4 au garage pour poursuivre l'entretien de 1er échelon.

L'avion est en avance, il arrive alors que nous avons encore les mains pleines de cambouis. Tant pis, ils se passeront de nous. D'ailleurs, nous ne sommes pas concernés par cette inspection.

Au repas du midi, on nous sert des cuisses de canette, tendres et délicieuses.

 

DOUZIEME JOUR

 

Badauds en attente d'une VAM La VAM arrive, C130 HERCULES. Les rares passagers débarquent 2 heures plus tard, il repart.

Badauds en attente d'une VAM
Badauds en attente d'une VAM 

Mercredi, 15 décembre, Jean-Marc et moi repartons en ville pour essayer de rencontrer le juge d'instruction. Nous en profitons pour reconnaître la ville.

Les avenues se remplissent à fur et à mesure que nous approchons du centre-ville, piétons, plus souvent sur la chaussée que sur les trottoirs encombrés d'échoppes, motocyclettes de marques inconnues, triporteurs à moteur, 4X4, tous cabossés. Des ruelles s'ouvrent à notre gauche et à notre droite, dévoilant des maisons basses de terre crue, certaines effondrées, des cahutes de bric et de broc, des allées de terre battue encombrées d'ordures. Des cyclomoteurs en jaillissent sans même un regard pour la circulation dans laquelle ils s'insinuent. A mesure que nous approchons du centre, des bâtiments anciens apparaissent, à l'aspect très colonial, beaucoup sont des administrations, palais de justice, musée, préfecture. Les autres sont des magasins, des garages, des échoppes. Peu d'habitations, elles doivent être en retrait, dans les ruelles, les venelles, les arrières-cours. Les seules constructions en hauteur sont les minarets des mosquées.

Toute la ville est couleur poussière, les maisons de terre crue, le sol, le goudron de la chaussée que le sable recouvre petit à petit. Peu de teintes vives ou bien elles sont effacées par le soleil.

Après le quartier-général de la force mixte soudano-tchadienne, nous bifurquons à droite. La chaussée redevient de la terre battue, assez plane encore. Jean-Marc s'engage dans une brèche ouverte dans un mur, la caserne de la gendarmerie tchadienne. Des épaves de camions bleus, marqués pour certain GENDARMERIE, attestent du lieu. Quelques militaires et encore plus de civils patientent à l'ombre de rares arbres. Les bâtiments sont peints d'un jaune vif, on les croirait presque récents. Nous louvoyons entre des tas de sable et de terre, destinés à remblayer les trous de la cour. Nous passons devant la brigade de recherches, une certaine activité y règne.

Nous allons visiter le commandant de la région de gendarmerie. Son bureau ne dépare en rien du reste de la caserne. Il est absent, nous sommes accueillis par François, son secrétaire. En entrant dans la pièce, je suis frappé par son dénuement extrême. Trois vieux bureaux, une chaise, quelques feuilles de papier sur un meuble. Rien d'autre. Si les murs extérieurs brillent d'une peinture presque neuve, l'intérieur n'a pas dù être repeint depuis longtemps. Jean-Marc m'assure que le bureau du colonel, commandant la légion, n'est pas mieux garni.

Ici l'Afrique perd définitivement son charme traditionnel, son côté folklorique. Sa pauvreté, sa misère me sautent aux yeux. On peut s'attendre à ce que les couches basses de la population vivent dans des conditions très rigoureuses, tout en pensant que certaines élites, certains corps de l'état bénéficient de quelques conforts. Je me rends compte qu'il n'en est rien. La pauvreté est à tout les stades de la société, elle frappe le humble civil comme le plus illustre militaire.

Nous repartons. Jean-Marc quitte l'avenue centrale et s'engage vers le marché aux bestiaux. Le centre-ville donnait encore l'impression d'un certain modernisme avec ses murs de parpaings, son pavage de macadam, ses lampadaires flambant neufs, sa circulation pétaradante. Nous plongeons vraiment dans l'archaïsme africain subsaharien. Plus rien, ou presque, ne nous rattache à notre réalité, quelques habits à l'européenne encore, un rare véhicule, quelques touches de couleurs criardes. Les habitations sont définitivement de terre crue, construites anarchiquement, se mêlant les unes aux autres. L'odeur de la viande que l'on grille sur des foyers à feu ouvert, à même le sol, vient chatouiller nos narines et nous allècherait presque. Une place s'ouvre devant nous, le marché aux bestiaux, s'y côtoient des ânes, des chevaux, des vaches, quelques dromadaires. Les animaux ne semblent pas au mieux de leur condition. Les affaires sont calmes,on ne s'y bouscule pas.

Notre P4 louvoie entre des arbres et des maisons effondrées, guidée par un vol de milans. Nous longeons les murs de l'abattoir. Le sol est jonché de déchets en voie de décomposition, ou plutôt de dessèchement, tas de vieilles peaux miteuses, tas de carcasses, tas d'os, tas de crânes, tas de sabots. De petits groupes de femmes sont occupés à nettoyer des entrailles. L'odeur est prenante mais sans être épouvantable.

Nous filons vers la sortie ouest de la ville. Nous passons l'université franco-arabe, un bâtiment d'une certaine ampleur. Des élèves en chemises bleues en sortent. Au-delà, la ville s'élargit et les maisons se raréfient pour laisser la place à des chantiers de constructions modernes.

Mon téléphone sonne. Un véhicule tchadien du DIS vient d'arracher une partie du réseau de barbelés de la base. Nous nous transportons sur place. Il nous faut retraverser la ville dans toute sa longueur. Ici pas question de gyrophare et d'avertisseur sonore, nous n'avons aucune priorité. Nous nous hâtons au gré de la circulation locale. Nous passons devant un petit bâtiment blanc où nous reconnaissons le sigle de la banque SOCIETE GENERALE. Jean-Marc s'arrête pour aller retirer de l'argent au DAB.

Nous longeons l'enceinte sud de la base, par la piste qui mène à la MINURCAT. Un 4X4 TOYOTA blanc est arrêté à contresens sur la gauche de la piste. Son pneu arrière gauche est emmêlé dans le réseau barbelés du merlon qu'il a en partie arraché.

Les constatations sont claires, le conducteur a perdu le contrôle de son véhicule, s'est déporté sur la gauche pour escalader le merlon et retomber sur la chaussée, arrachant au passage une longueur de barbelés.

Pas de blessé, peu de dégâts au 4X4, quelques mètres de barbelés en moins pour nous, rien de bien grave ni de très sensationnel. Un inspecteur du DIS arrive sur place. Il dresse procès-verbal, il le fait avec un certain professionnalisme. Nous l'assistons de notre mieux. Nous lui promettons les photos que nous avons prises.

Sur le merlon, le COMSECU et l'ADU PROTERRE s'affairent à réparer les dégâts à l'enceinte. On relève le réseau arraché, on le renforce par du fil rasoir. Muni d'un coupe-boulon, je dégage le barbelé pris dans la roue du 4X4.

Le soleil monte dans le ciel, il devient brûlant. Les militaires travaillent sans coiffure. Ils n'ont pas peur de l'insolation.

Nous rentrons vers 12h20, je frôle l'hypoglycémie. Je m'abreuve à longs traits. Je me sens mieux après le repas.

Ce soir, le COMDET offre un pot aux militaires inscrits au tableau d'avancement. J'en suis. Rendez-vous à 18h30 dans sa guitoune, une salle joliment décorée où il mange avec les autres officiers et invite à l'occasion. Champagne de rigueur et discussion feutrée.

 

TREIZIEME JOUR

 

soirée mange-debout Soirée mange-debout

soirée mange-debout
soirée mange-debout 

Jeudi, 16 décembre, 05h15, mon réveil sonne. Je pars pour mon footing autour de la base. Je dépose mon linge à la « buanderie » de la base. Nous le transportons dans de grandes bassines multicolores, très africaines. Qui aura le courage de la porter sur sa tête en balançant ses hanches ?

Une section PROTERRE revient du stand de tir. Les soldats sont désappointés, le seul missile MILAN qu'ils devaient tirer à fait long feu. Il a été détruit sur place par les artificiers.

Avec Jean-Marc nous repartons en ville. Le palais de justice semble en état de siège. Personne devant l'entrée, sinon des militaire en armes accroupis sur le sol. Dans le hall, d'autres militaires et quelques civils qu'un colonel pousse dans une salle. Le juge d'instruction nous reçoit. Son bureau est aussi démuni que celui du commandant de la légion de gendarmerie. Je ne vois aucun ordinateur, ni même une antique machine à écrire.

Nous faisons avec lui le point sur la commission rogatoire internationale dont il est saisi par son confrère français du tribunal aux armées de Paris. Il pense le clôturer pour la fin janvier. Nous l'assurons de notre soutien et de notre aide.

Sur le chemin du retour, près de la base, nous nous égarons dans quelques ruelles poussiéreuses à la recherche du SHANGAI, une pizzéria fréquentée occasionnellement par les militaires français de la base. Nous sommes accueillis par la patronne, une jeune camerounaise enceinte jusqu'aux yeux.

Jean Marc reçoit un colis de sa famille, saucisson sec, saucisson à l’ail, deux terrines de pâtés et un fromage époisse qui semble avoir bien résisté au voyage. Il ne sent encore pas trop. Pour accompagner ce repas de fête, des garnitures en conséquences, quelques guirlandes et boules de Noël dont il décore immédiatement le bureau de la brigade. Cerise sur le gâteau, Jean Marc exhibe de son colis des cornes de renne en peluche dont il s’orne aussitôt le front. Quel Rodolphe ce Jean Marc.

Ce soir, comme tout les jeudis, l’ordinaire est fermé. Nous mangeons sur la terrasse du foyer des plats préparés à l’avance par nos cuisiniers et qui sont servis à tour de rôle par les différents services du camp. Aujourd’hui, les prévôts ci-collent, avec le COMTRANSIT, les ACM et les MCM. Au menu, salades, taboulé, tarte aux poireaux, crêpe jambon fromage, tarte au thon, glace. Je suis au poste tarte aux poireaux et crêpe au jambon. Je rencontre un certain succès avec les crêpes, un peu moins avec la tarte. Jean Marc a aussi du mal à liquider son taboulé.

Sur un mur blanc, un adjudant des transmissions projette des clips de musique. Je découvre PUSSY du groupe RAMSTEIN, c’est chaud, très chaud, très très chaud, très XXXX, très Ramstein et très allemand en fin de compte.

 

QUATORZIEME JOUR

 

Imar s'invite à la soirée Les ânes sont de la party

Imar s'invite à la soirée
Imar s'invite à la soirée 

QUATORZIEME JOUR


vendredi, 17 décembre, aujourd’hui, c’est soirée pizzas chez les pompiers. Ils sont quatre pompiers de l’air qui assurent la sécurité incendie des avions français et du camp. Derrière leur garage où stationnent leur deux camions, ils ont une popote, un point d’eau, une sorte d’annexe du foyer où l’on peut consommer en petits comités. Comme toutes les popotes, c’est fabriqué de bric et de broc, un comptoir avec l’éternel douille-cloche, quelques tabourets, parfois des tables. Plus loin, un superbe combiné four à pizza-barbecue. Les braises rougeoient déjà à l’intérieur.

Le fonctionnement d’une soirée pizzas est le suivant. Les invitants payent une tournée à tous ceux qui viennent. On étale tous les ingrédients propres à confectionner une pizza et chacun fait la sienne à sa guise, en commençant par étaler la pâte qui arrive en pâtons.

Le problème est qu’il n’y a que six plateaux à pizza pour plusieurs dizaines de convives. Il faut presque se battre pour en récupérer un. Je réussis malgré tout à faire ma pizza. Malgré la chaleur du four, elle met assez longtemps à cuire mais n’est finalement pas trop mauvaise. Je la partage avec d’autres.

 

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