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QUATRE VINGT ONZIEME JOUR
Pas faché d'être arrivé |
Dans la matinée, nous nous rendons au tribunal pour remettre un document au juge d'instruction. Il n'y a presque personne devant le bâtiment. La grille est ouverte en grand, sans garde. Cela ne présage rien de bon. Le magistrat est absent à notre arrivée, il ne devrait pas tarder. Ne voulant pas nous attarder, nous laissons la pièce à son greffier.
Sur le chemin du retour, nous achetons des sucreries, comme on dit par ici, des sodas en fin de compte. L'épicier est un peu à court, plus de 33cl de C...-C...., seulement des sodas locaux ou des 50cl de C...-C...
Avec ce qui se passe en Lybie, certaines marchandises se font rares et les prix grimpent. Malgré la distance et le désert, tout l'est du Tchad est ravitaillé depuis Benghazi. Nous jetons notre dévolu sur des 50cl de cette fameuse marque. Les bouteilles sont filmées mais couvertes de poussière jusqu'au coeur du pack. Le sable s'infiltre vraiment partout. Nous les lavons à notre retour avant de les ranger dans nos frigos.
L'épicier est bien avenant. Il parle un français correct. Il est issu d'une famille de 27 enfants, dispersés un peu partout en Afrique et au Moyen-Orient. Son grand-père est originaire du golfe persique, le Yémen, je crois.
Nous le faisons parler de son métier. Il nous exhibe tous ses papiers, loyer de l'épicerie, extrait du registre du commerce, patente, taxes payées à l'état. Le Tchad est peut être un pays très, très pauvre, Abéché une ville perdue au fin fond du Sahel mais il y existe une administration présente et efficace.
Le commerce est bien achalandé pour un petit pays comme ici. On y trouve presque de tout, principalement des conserves de nourriture mais aussi des céréales, du ketchup, du maggi, de la sauce brune anglaise, des produits d'entretien, des mouchoirs papiers, des cotons-tiges, et j'en passe des meilleurs.
Au déjeuner, je prends une salade de tomates, carottes et choux, accompagnée d'un pavé de saumon. J'apprécie le poisson.
Le soir venant, je sens la faim tordre mon estomac. L'heure du dîner approche. Allez à l'ordinaire, au menu très ordinaire, ne m'allèche pas. Je décide Jean-Marc et Nico d'aller en ville pour manger une pizza, au Santana peut être. Je téléphone aux numéros que m'avaient donné Lucien et Jean-Pierre, deux employés du restaurant. Personne ne répond. Nous y allons malgré tout en voiture. Le restaurant est ouvert, ouf ! Le patron, en costume-cravate, nous accueille. Seule une table est déjà occupée. Les tables sont éparpillées au milieu d'une cour de sable, c'est la salle à manger. De rares lampes jettent un éclairage chiche sur les lieux. Jean-Pierre, le cuisinier, du moins il en porte le tablier, accoure nous saluer. Il semble content de nous voir.
Nous commandons une pizza chacun. Je choisis une napolitaine, anchois-câpres. Nous patientons pas loin de trois quarts d'heure avant de voir arriver nos plats. La salle, la cour, se remplit un peu. Les trois serveuses ne sont pas débordées mais l'une d'elles paraît très fatiguée. Elle s'endort la tête dans les bras dès qu'elle s'assoit.
Les pizzas sont grandes, bien garnies, la pâte fine. La mienne goûte parfaitement l'anchois et juste ce qu'il faut de câpres, pas comme au pays où les napolitaines sont pourries de câpres, à vous en dégouter. La pâte pourrait peut être être un tout petit peu plus cuite, mais c'est vraiment pour faire le difficile.
L'addition nous coûte 34 000 frcs CFA, les six boissons ( 66cl ) comprises. Il est à peine 21h30 lorsque nous regagnons la base. En sortant du restaurant, nous remarquons un petit attroupement devant un immeuble en face, également un restaurant. Une grande et plantureuse femme noire s'avance vers nous en criant : « ATTENDS! ». Une proposition certainement, peut être malhonnête. Nous ne nous attardons pas.
A la base, la fête bât son plein à l'infirmerie mais comme nous ne sommes pas invités nous passons notre chemin pour gagner nos chambres.
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QUATRE VINGT TREIZIEME JOUR
Accident de guerre ? |
A 08h00, nous allons à la messe, en ville. Nous arrivons un peu en retard et nous trouvons difficilement deux petites places tout au fond de l'église. Nous sommes les seuls européens visibles. L'office s'éternise et manque d'animation, contrairement à la messe du réveillon de Noël. Nous regagnons la base au bout d'une heure et demie.
Nos amis de l'armée de terre sont en pleine activité de plein air, une sorte de course d'orientation au coeur du camp. Il commence à faire un peu chaud pour courir.
Je commence à regarder INCEPTION mais j'abandonne au bout d'une heure et demie pour aller déjeuner. J'aurai bien l'occasion de le revoir.
Au menu du repas, jambon fumé en entrée, canette – petits pois – pommes dauphine. Du déjà vu.
Je passe l'après-midi dans ma chambre, tranquillement, pour me reposer.
Le soir, je vais boire une bière avec Jean-Marc et Nico au foyer puis je les accompagne au dîner. On y sert un croque-monsieur, façon SNCF, un peu léger pour quelqu'un comme moi qui adore les croque-monsieurs copieusement garni.
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QUATRE VINGT QUATORZIEME JOUR
Nico |
Je rends au tir avec Jean-Marc et Nico, à bord de notre véhicule P4, au milieu de la rame de la section PROTERRE. Le champ de tir est à près d'une heure de route. Je tiens le volant. Nous faisons une moyenne de 50 à 60 km/h. Nous pourrions rouler plus vite, la route n'est pas trop défoncée, mais chaque véhicule de la rame doit s'assurer qu'il a dans son rétroviseur le véhicule suivant.
Le vent souffle de côté, chassant la poussière hors de la route, nous n'en mangeons pas trop. Nico, sur la banquette arrière, souffre des cahots, en silence.
Au dessus des collines, j'aperçois un vol de lourds et grands oiseaux, des charognards certainement. Mais à mesure que nous les approchons, je distingue mieux les couleurs pies, blanche et noir, leur long cou et leurs longues pattes d'échassier. Des cigognes ! Comme au pays. J'en compte une vingtaine. Je ne doute pas qu'elles soient alsaciennes. Elles seront chez nous bien avant moi. Plus loin, d'autres grands volatiles planent au dessus d'une colline. Ses flancs en semblent être couverts. Il y en a au moins une centaine. Je ne jurerais pas que ce sont des cigognes mais cela y ressemble. Le printemps arrive.
Comme précédemment, le champ de tir est encombré de troupeaux que notre guide de l'Armée Nationale Tchadienne chasse comme il peut.
Laissant la section PROTERRE aux préparatifs de son exercice, nous allons un peu à l'écart avec l'équipe MCM pour tirer au 9m/m. Jean-Marc et moi avons les SIG PRO 2022, l'équipe MCM est munie de GLOCK et de UMP HK. Nous nous faisons plaisir à échanger nos armes et à tirer en situation, en marchant, avec changement d'arme. Comme la section PROTERRE a participé à notre dotation de munitions, nous partageons avec les cadres nos pistolets. L'armée française, hormis certaines unités d'élite, en est restée au vénérable et sexagénaire PA MAC 50.
Nos munitions de 9m/m épuisées, Jean-Marc rentre à la base avec l'équipe MCM. Je reste avec Nico pour jouer l'exercice de tir avec la section PROTERRE. Le thème en sera un groupe de combat pris sous le feu d'une embuscade, il demande l'aide d'une QRF qui se transporte sur place et les couvre de son tir pendant que le groupe de combat se replie avec ses blessés.
Je précise que nous jouons l'exercice avec le casque lourd, le gilet pare-balles et la musette d'alerte sur le dos. Une bonne dizaine de kilos de plus.
La QRF est simulée par un VLRA munie d'une mitrailleuse lourde BROWNING calibre 12,7m/m et par un deuxième groupe de combat.
La première manœuvre tourne court et prend du retard. La mitrailleuse a tendance à s'enrayer. Une fois ce petit problème résolu, ça dépote.
Le premier groupe de combat progresse. Il tombe dans une embuscade. Les hommes se jettent à terre en fusillant la falaise qui sert de butte de tir. Le renfort de la QRF est demandé par radio. Un blessé est simulé. Il faut le tirer à l'abri vers l'arrière. La QRF déboule sur le terrain, son groupe de combat se déploie, la mitrailleuse lourde arrose les positions ennemies et reprend l'ascendant sur l'ennemi. Le premier groupe de combat se replie en brancardant son blessé.
Nous jouons d'abord le groupe de combat pris dans l'embuscade. Nous progressons sur une centaine de mètres avant d'être pris à parti par l'ennemi. Je me jette au sol au fond d'un trou providentiel. Tout en tirant vers la falaise, je surveille les autres membres du groupe. Je vois Brahim, le chef, courir tout le long de la ligne de feu. Il se penche sur Nadia, elle est blessée. Il m'appelle. Je le rejoins pour évacuer Nadia vers l'arrière. Je suis seul, les autres continuent à faire feu. Je saisis la blessé par les bretelles de son gilet pare-balles et j'entreprends de la traîner vers un repli de terrain, quelques dizaines de mètres derrière le groupe. Elle pèse pas trop lourd Nadia mais j'ai mon propre paquetage, mon arme, la sienne, elle a encore sur le dos son sac. Je galère un peu, même beaucoup, mais j'arrive à la mettre à l'abri.
Je ne vois rien de l'arrivée de la QRF. Le reste du groupe m'a rejoint. J'enlève son fusil qu'elle porte encore autour du cou, en évitant de lui arracher la tête, son chignon n'est pas des plus pratique pour cette manœuvre. Je vérifie que l'arme est à la sûreté et je la mets dans mon dos. Je fouille son gilet de combat pour trouver son garrot que je lui passe à la jambe. J'évite de trop serrer. Elle n'est pas vraiment blessée, ce n'est qu'une simulation. L'infirmier déplie le brancard souple, nous glissons Nadia dessus et nous l'emmenons vers l'arrière. Fin de cette partie de l'exercice.
Nous faisons retour vers les véhicules. C'est au tour de notre groupe de jouer la QRF. Je suis désigné comme tireur à la mitrailleuse de 12,7m/m, le pied !
Je donne mes chargeurs encore pleins à mes coéquipiers. Harnachés comme nous sommes, nous avons quelques difficultés à nous hisser dans la caisse du VLRA, à plus d'un mètre du sol. Je prends place derrière la mitrailleuse lourde et le camion s'élance.
A hauteur du groupe pris sous le feu ennemi, notre équipe saute à terre et mitraille. Je fais pivoter la mitrailleuse, j'arme et je rafale. La falaise, à deux cent mètres de moi, se couvre de petits champignons de poussière. Les détonations sont à peine perceptibles au travers de mes bouchons anti-bruit. Solidement fixée sur son support, l'arme est d'une stabilité étonnante. Je fais un carnage sur l'ennemi imaginaire. Les douilles et les maillons pleuvent à mes pieds. C'est encore mieux qu'un film de RAMBO. La bande de quatre vingt cartouches passe trop vite. A peine commencé, c'est déjà fini. Mais comme on dit, les meilleures choses ont toujours une fin.
Nous finissons l'exercice par un tir au fusil de tireur d'élite FR F2, une arme puissante et précise, mais elle fait pâle figure à côté du monstre 12,7m/m. Nous tirons sur les rochers de la falaise, à 355 mètres de notre position, mesurés au télémètre laser. Je vise la base d'une fissure en V sur une grande roche en pente. Je tape presque dedans, à quelques dizaines de centimètres près.
Il est midi passé, la faim se fait sentir, nous commençons à attaquer les boîtes de ration. Les enfants sont de nouveau là, à nous encercler, à nous abrutir de leurs « DONNE LE CADEAU, DONNE LE CADEAU, DONNE LE CADEAU ». Vous les chassez, ils reviennent, inlassablement, toujours et encore. Vous ne leur donnez rien, ils reviennent malgré tout. Vous leur donnez quelque chose, ils reviennent aussitôt. Pire que des sauterelles qui ne font que passer, des sangsues qui s'accrochent à vous.
Nous faisons retour sur la base. En chemin, nous apercevons une tornade de poussière qui tourbillonne à travers champs, en plein dans notre direction. Je ralentis pour que Nico puisse la photographier. Elle se précipite vers nous. J'accélère. La tornade passe dernière nous, en plein sur le GBC qui nous suit.
Il est 14h00 passé lorsque nous arrivons au camp. Avec Nico, je passe le reste de l'après-midi à nettoyer nos armes, pistolet et fusil d'assaut. Il est 17h00 lorsque je peux enfin regagner ma chambre et prendre une bonne douche.
J'ai pris le soleil ce matin. Ma figure est rouge sauf un bandeau à hauteur des yeux, où se trouvaient mes lunettes de soleil. La peau de visage me chauffe, une crème d'après-soleil me soulage.
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QUATRE VINGT QUINZIEME JOUR
On commence au FAMAS |
Notre P4 part en révision au garage pour deux jours. Nous serons bloqués à la base, sauf urgence.
Ce soir, il n'y a rien à la télé, sur aucune chaîne. Je tente DUEL DANS LE PACIFIQUE, de John Boormann, sur mon PC portable. Je dors pendant le film qui porte mal son âge.
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QUATRE VINGT SEIZIEME JOUR
Belle position |
Nous ne récupérons notre véhicule que dans l'après-midi. Nous restons bloqués toute la journée à la base.
Jean-Marc commence à préparer son départ. Il essaye de faire partir en avance une caisse d'allègement. Cela semble une mission impossible, tout le monde se renvoie la balle.
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