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PREMIER JOUR - JOUR DU DEPART

 

Le gros ou ..... le petit

Le gros ou .....
Le gros ou ..... 

Samedi, 4 décembre, 5h00, nuit claire, ciel dégagé illuminé par les étoiles. Température extérieure -5°c, il gèle à ne pas mettre la famille dehors. Il faut pourtant partir, la mission n’attend pas. Le coffre de la voiture déborde de sacs de voyage. On s’entasse dans l’habitacle. Le cuir des sièges est glacé. Le froid nous fait regretter la chaleur et la douceur de nos couettes.

Sortis de la ville, l’air chaud de la ventilation réchauffe nos corps encore endormis. L’autoroute s’ouvre devant nous. La radio annonce les sempiternelles même nouvelles qui n’en sont plus. Pourquoi s’en soucier, demain je serai sur une autre planète. La météo, je tends l’oreille. Neige, verglas, un joli temps d’hiver. L’avion décollera-t-il ? Croisons les doigts.

La grande ville qui s’éveille. La gare, monstruosité bâtarde de classicisme allemand et de futurisme raté. Nous débarquons, famille et bagages, et montons sur les quais. Le train est déjà là, ronronnant, prêt à bondir dans la nuit. Je repère ma place. J’ai un voisin. J’aurai dû choisir une place en première classe. Trop tard, je dois m’en contenter. Dernières embrassades, plaisanteries de circonstance, il est temps de partir, le chef de gare s’impatiente. J’agite la main par la fenêtre pour un ultime geste d’adieu et le TGV s’élance à travers la campagne blanche de neige, vers l’aéroport, vers l’Afrique.

Trois heures plus tard, miracle de la technologie et de la vitesse mais aléas de la météo, j’arrive à Charles de Gaulle. Mes sacs sont lourds, encombrants. Ils pèsent à ma main, scient mes épaules. Quelle merveilleuse invention que les valises à roulettes mais je n’en profite qu’à moitié. Embarquement à 16 heures, toute une journée à perdre. J’enregistre mes bagages et je traîne dans l’aérogare, un œil sur le tableau des départs. Il commence à neiger mais l’horaire devrait être respecté. J’en profite pour poursuivre les aventures de BLOMKWIST et SALANDER. C’est un pavé, en anglais qui plus est, mais j’avale les pages. Il ne finira pas le voyage et c‘est le seul livre dans mes bagages. La faim m’appelle, 11h30, peut être un peu tôt, mais le petit déjeuner remonte à près de 06 heures. Je prends le temps de déguster une entrecôte d’Angus saignante, la cuisson est bonne et la viande aussi, et un 33cl de bière. Les frites sont quelconques, trop brunes. Je n’oublie pas ma petite pilule de doxycycline, mon petit vade mecum des sept prochains mois. Je règle 24 euros. Il se mouche pas avec les doigts l’ami PAUL.

Je me dirige vers la zone d’embarquement. On est pas loin du strip-tease au contrôle de sécurité, enlever sa ceinture, enlever ses chaussures, vider ses poches. Heureusement il n’y a pas trop de monde. Porte E57 dit mon billet, E60 m’a-t-on dit à l’enregistrement, finalement un panneau lumineux me renvoie à la E51. Embarquement dans trois heures, je suis seul pour l’instant. Je me fais un petit film sur mon ordi portable, ENNEMY MINE. Le scénario est plutôt banal, les effets spéciaux datent un peu mais il se laisse regarder. Il me renvoie surtout à des temps plus insouciants, 25 ans plus tôt. Je surveille le panneau d’information et garde mon oreille aux aguets des messages incompréhensibles qui résonnent dans le hall. HORAIRE RESPECTE dit le premier mais les seconds égrènent les vols retardés les uns après les autres.

15h15, le panneau d’information me renvoie à la porte E52. L’horaire sera néanmoins toujours respecté.

La salle d’attente se remplit peu à peu, des européens, des africains, quelques asiatiques dont la présence m’étonne. Des chinois à la conquête d’un nouveau continent ? Qu’importe. Il continue à neiger. Happy end à la fin du film, comme il se doit. Je fais les 100 pas. J’attire les formes monstrueuses d’un A380. Je devrai me contenter d’un A319.

Moins d’une demi-heure avant l’embarquement, l’inévitable? tant redouté, tellement attendu, se produit, vol retardé en raison des mauvaises conditions météorologiques. 30 minutes de retard, pas de quoi fouetter un chat.

Nous embarquons enfin. Ma place est au fond de l’avion, il sera plein, nous serons un peu serrés. Je suis côté hublot, je pourrai admirer le paysage. Pour ce que j’en verrai, il fait presque nuit. A la demande du steward, j’échange ma place avec la femme de mon voisin. Je me retrouve derrière les ailes, toujours côté hublot. Par chance, nous ne sommes que deux sur la travée, une grosse dame africaine côté couloir. Je serai à l’aise.

Le commandant de bord annonce un nouveau retard. Nous ne décollerons pas avant 18h30. THE CLASH sur les oreilles, je me replonge dans MILLENIUM, indifférent au brouhaha de la cabine. Nous bougeons enfin. Nous prenons place dans la file des avions en attente. Il fait définitivement nuit. Des camions grue nous arrosent de dégivrant et nous décollons enfin.

Paris glisse sous l’aile. Vue du ciel, un soir d’hiver, elle mérite bien son surnom de Ville Lumière. Les avenues illuminées tissent une féérique toile d’araignée. Je reconnais la Tour Eiffel, l’Arc de Triomphe, le Louvre. Le bois de Boulogne est un trou noir engloutissant les rivières brillantes de la circulation.

Je tourne encore quelques pages et AIR France fait montre de l’excellence de son service, serviette chaude pour se « rafraîchir », petit whishy en apéritif, allumettes de saumon fumé en entrée, poulet et pâtes pennette à la crème avec sauce tomatée au basilic et à l’origan, camembert, mandarine, tartelette normande, thé et un ultime cognac en digestif. Rassasié, j’abandonne lâchement SALANDER en bien mauvaise posture, page 232 de l’édition MACLEHOSE PRESS, et je m’abandonne moi-même mais dans les bras de Morphée pendant que des îlots de lumière inconnus s’enfuient en dessous de moi.

Je somnole plutôt que je dors. A travers le hublot, les étoiles sont invisibles, le sol est un immense néant, seule l’aile éclairée de l’avion nous retient à la réalité. ZZ TOP me berce de son blues. Texas et Tennessee résonnent à mes oreilles pendant que l’Afrique m’engloutit.

Nous sommes en approche de N’DJAMENA, la cabine se réveille, s’ébroue, s’active. Je range mon IPOD, mon livre, mes lunettes, tout ce petit impédimenta que l’on étale toujours autour de soi lors des longs voyages. La ville se découvre, une lumière au milieu de rien qui grandit et se répand. Les artères, les rues se dessinent, tracées au cordeau. Dans la lueur des phares, je devine le désert, un fleuve, des maisons basses, le début de la piste, le début d’une nouvelle vie.

Il est 23h30, je descends de l’avion. J’ai abandonné mes polaires, mon bonnet de laine, souvenirs d’un lointain hiver, à quelques heures d’ici mais à des milliers de kilomètres. Il fait chaud, chaud et sec, rien d’insupportable, la douceur d’une soirée d’été chez nous. L’aéroport fait très provincial, très arrière pays. Il est petit, usé, d’un dénuement presque exemplaire. Débarquement, passage de la douane, des formalités au sens propre comme au figuré.

J’ai prévenu de mon arrivée, pas de mon retard, j’espère que l’on m’attend. Dans le hall, des africains bien sûr, quelques européens. Ils m’aperçoivent avant que je les devine. Je suis plus que reconnaissable avec mon vieux sac à dos militaire très typique. Ils s’avancent tous les quatre vers moi. Les présentations sont vite faites, le COMPREOT, Yves, Frédéric, Fabien. Moi c’est Jean François. Une poignée de main, quelques paroles de bienvenue convenues et nous sommes déjà dans la rue. Quelques véhicules sont garés devant l’aérogare, pas un passant au-delà des abords immédiats de l'aérogare.

Le COMPREVOT fait bande à part, nous partons de notre côté dans un 4X4 japonais plutôt empoussiéré. Les voies sont larges, éclairées mais vides, de très rares piétons, quelques véhicules, de hauts murs de part et d’autre. La ville est tranquille, silencieuse, presque désertée. Est-ce l’éclairage ou bien tout me paraît d’un jaune poussiéreux ?

Au-delà d’un carrefour, la base apparaît. Grillages, barbelés, merlons de terre, miradors, bunkers, sacs de sable, gardes en armes, le tout-venant d’un camp fortifié. Peu de risques extérieures en cette période de réconciliation nationale mais précaution est mère de sûreté.

La base est chichement éclairée. Ses immeubles se cachent dans l’ombre mais tout cela me paraît hétéroclite, vieillot, d’un entretien incertain. L’immeuble où mes collègues me mènent n’est pas de toute première jeunesse, loin s’en faut, mais il est propre. Je bénéficie d’une chambre de « passage » plutôt bien garnie. Des moutons broutent sous les lits, un cadavre de criquet traîne dans un coin. Il y a un frigo avec quelques bouteilles d’eau, deux climatiseurs assez modernes, avec télécommande !, un téléviseur couleur plutôt fourni en chaînes françaises, presque aussi bien sinon plus que la TNT chez nous, des chaises disparates, quatre armoires déglingués et quatre lits, mais je loge seul. N’DJAMENA n’est pas très couru en cette fin d’année. J’oublie, douches et toilettes sur le palier.

On me rassure. La saison, si elle n’est pas au tourisme, n’est pas non plus aux moustiques. Derniers conseils, dernières consignes et rendez-vous est donné pour le petit-déjeuner. Laissé seul, j’étale mes sacs sur les lits, fouille les armoires à la recherche de cintres, déballe un minimum d’affaires. Les sanitaires sont propres, les WC sont garnis de papier hygiénique, peu de choses suffisent parfois à vous contenter, l’eau est chaude, les draps ont été lavés. Il n’est pas loin de 01h00 lorsque je me couche enfin.

Nous sommes en bordure d’un petit aéroport mais néanmoins actif et des avions décollent toute la nuit. C’est samedi soir et des militaires en goguette passent bruyamment sous mes fenêtres. J’enfonce deux bouchons anti-bruit au fond de mes oreilles et je m’enfonce rapidement dans le sommeil.






 

DEUXIEME JOUR

Chambre de passage à N'DJAMENA Sanitaire de passage

Chambre de passage à N'DJAMENA
Chambre de passage à N'DJAMENA 

Dimanche, 05 décembre, 06h00, le petit matin est presque frais, même sans la clim que je n’avais pas arrivé à mettre en route. J’allume la télé sur une chaîne au hasard, pour rompre le silence de la pièce. La base s’éveille doucement. Par la fenêtre, je vois des militaires de toutes armes qui passent et repassent, de plus en plus nombreux. La disparité des tenues m’étonne mais sans me surprendre, camouflage désert pour l’armée de l’air, centre europe pour l’armée de terre, calot, béret, bonnet de police, rangers de cuir noir, pataugas, chaussures montantes sable…

Je me hasarde aux abords du bâtiment, dans l’attente de mes collègues. Mon impression de la veille est confirmée. Si l’intérieur est propre, l’extérieur fait miteux, béton éclaté, toiles d’insectes un peu partout, peinture écaillée, raccords de peinture et de plâtre ci et là, meubles usés, appentis bricolés, vieilles douilles en guise de cendriers. Juste devant, la buanderie en plein air avec ses vieux lavoirs en béton. Ici pas de machines à laver, on fait ça à l’ancienne, à la main et à la brosse. Seul confort, ce sont des personnels recrutés localement qui mettent la main à la pâte, sinon à la lessive.

Frédéric et Fabien me rejoignent. Nous nous dirigeons vers l’ordinaire. La nuit n’a pas été très calme pour eux. A peine couchés, ils ont dû intervenir en ville et ne se sont rentrés qu’à 04h00. Levés à 07h00, la nuit fut courte pour eux.

Le dimanche, c’est petit-déjeuner amélioré, il y a un croissant par personne. Je n’oublie pas ma pilule de doxycycline.

Nous passons une partie de la matinée à la brigade à parler du boulot, à rencontrer l’un ou l’autre. C’est dimanche, mais même le dimanche une base à l’étranger n’arrête pas de vivre, de fonctionner, de bouger. Il y a toujours quelqu’un qui traîne dans un bureau ou dans un autre, pour se mettre à jour, pour avancer le travail du lendemain, pour venir au renseignement.

Le franc FCA a un cours légal dans presque toute l’Afrique subsaharienne mais il est introuvable en France. J’arrive les poches pleines d’euros, sans aucune utilité pratique ici. Avec Fabien nous partons en ville chercher un dab. Nous en trouvons un de la Société Générale dans le hall du Novotel, un bien bel établissement. L’appareil accepte ma carte bleue, miracle de l’informatique, et me crache toute une liasse de billets CFA tous neufs, à peine sorti de l’imprimerie. 100 000 CFA. Diviser par cent pour avoir des francs français et multiplier par la valeur du franc en euros. Bref 150 euros, plus 10 euros de frais.

Il est 10h00 et il commence à faire chaud. La ville se découvre à moi, poussiéreuse, animée, pleine de vie. La circulation est intense et désordonnée. La chaussée est bonne mais la signalisation inexistante, priorité à droite dans les rond-points. Une seule règle, la plus importante, FAIRE GAFFE. Ca déboule dans tous les sens, 4X4, voitures légères, motos, cyclomoteurs. Je retrouve des modèles oubliés en France, de vieilles Peugeot déjà hors d’âge lors de mon enfance, des Mobylettes, bleues de surcroît. Les trottoirs sont bondés d’une foule sans cesse en mouvement. Où peut-elle aller ? D’où peut-elle venir ? A quelles affaires s’occupe-t-elle ? Les militaires sont nombreux, une armée à la Bourbaki, les uniformes sont nets mais pas une tenue qui ressemble à une autre. Aucun n’est armé, aucun n’occupe de postes particuliers. En service ? En repos ? Allez savoir, ils vont et viennent au milieu de la foule et de la circulation.

Je ne ressens aucune animosité à notre égard.

Les rues sont bordées de hauts murs tessonnés ou couronnés de barbelés. Derrière j’aperçois les toitures de maisons basses, quelques fois un étage, entourées d’arbres. Des oasis de calme, d’ombre et de sécurité d’où aucune vie ne transpire. Les seuls bâtiments généralement visibles de la route sont les immeubles officiels, ministère de ci, secrétariat de ça. Parfois une trouée s’ouvre entre deux enceintes, une maison abondonnée, ouverte à tous. Des échoppes, assez misérables, font office de magasins. Que peut-on y vendre ? Les enseignes sont sibyllines.

A un carrefour, nous croisons le fleuve Chari. Au-delà c’est le Cameroun. Des pirogues semblent franchir cette frontière au mépris de tous contrôles. On y verrait des hippopotames un peu plus haut.

Nous sommes de retour à la base Adjudant KOSEI et à la brigade prévôtale. Un café pour tuer le temps et nous regagnons nos chambres. Les collègues de service la nuit dernière vont se reposer un peu avant que nous allions déjeuner en ville, CHEZ WU.

Frédéric, Fabien et moi ramassons au passage Nicolas. CHEZ WU est une table chinoise renommée de N’DJAMENA, surtout le dimanche midi, buffet à volonté pour moins de 20 euros et une bière locale, 500ml, pour arroser le tout.

Les plats sont bons, variés, épicés à souhait. Je me gave, le mot n’est pas trop fort.

A l’issue une sieste s’impose. Elle est d’ailleurs obligatoire pour tous.

En fin d’après-midi, le haut-parleur annonce que la VAM de lundi pour ABECHE est supprimée. Ce n’est pas encore demain que je rejoindrai mon poste.

Le soir, nous mangeons à l’ordinaire de la base. Auparavant, une petite visite à une discrète « popote ». Mes collègues semblent connaître tout le monde. Officiers et sous-offs de toutes armes se mêlent dans une ambiance bon enfant. L’alcool est limité à la bière locale, CASTEL et GALLA. La première est quelconque, la seconde est plus fruitée.

Le repas de l’ordinaire est bon, sans plus. Il fait l’affaire après l’orgie de midi.

De retour à ma chambre de passage, je prépare mon treillis pour demain et je me couche devant la télé.

 

TROISIEME JOUR

Vue sur la buanderie devant le bâtiment de passage Petit coin détente devant le bâtiment

Vue sur la buanderie devant le bâtiment de passage
Vue sur la buanderie devant le bâtiment de passage 

Lundi, 06 décembre, 06h30, l’impression de fraîcheur se confirme. Il est vrai que nous sommes en hiver.

Fabien quitte sa chambre de passage à l’autre bout de la base, réservée seulement jusqu’à hier soir et s’installe avec moi.

Lui et moi attendons des nouvelles de la VAM pour ABECHE. Il veut y retourner récupérer ses affaires puis redescendre à N’DJAMENA pour repartir en France vers la fin de semaine, moi pour le relever. Nous patientons avec force cafés. Les nouvelles ne sont pas bonnes. Le Casa est monté en liaison à FAYA pour approvisionner le poste, 20 militaires perdus au fin fond du désert à garder une piste d’aviation. Mais il marche sur trois pattes. Un transall est en panne, le deuxième est en réserve, au cas où en Côte d’Ivoire.

Je m’entretiens avec le COMPREVOT. Il me présente le pays. Nous discutons à bâtons rompus. Il connaît le pays pour y avoir servi précédemment deux ans.

Fabien me guide dans les services, la solde où je change mes euros en francs CFA, le BPI où je dépose mes francs CFA sur mon livret A, ils y sont comptés en euros, le BSB où je récupère mon badge de sécurité en échange d’une photo, au change je suis gagnant.

Nous refaisons un tour en ville avec Frédéric pour régler une facture dans un restaurant, français et excellent à priori si on considère la nationalité du patron et son embonpoint. Les huîtres et les moules, suivant arrivages, y sont excellentes.

Je visite une nouvelle partie de la ville. Les rues y sont des avenues, bordées d’immeubles officiels. A un rond-point se dresse une gigantesque statue équestre en fer, d’un goût que je considère douteux. Ci et là, on s’affaire à paver des bouts de chaussée. La circulation est encore plus intense que la veille, les trottoirs encore plus animés.

L’humble bâtiment de l’ambassade de France se cache lui aussi derrière de hauts murs barbelés. Un gendarme tchadien nonchalant assure une garde assez symbolique. Il nous salue d’un vague geste de la main. Notre commission faite nous regagnons la base.

La même incertitude règne quant au devenir de la VAM de demain.

Je laisse mes collègues locaux vaguer à leurs occupations. Nous recevons des nouvelles de François, en mission de reconnaissance au fin fond de la brousse au sein d’une colonne française. Ils sont bloqués depuis plusieurs jours par un gouverneur local qui n’avait pas été averti de leur venue. A court de vivres frais, ils ont été ravitaillés par un hélicoptère du DETALAT. Leur retour est prévu pour une date ultérieure. Avant la fin de la semaine espérons nous, sinon François ne pourra embarquer pour rentrer en France. Quelle idée de partir si loin si près de sa date de relève.

L’après-midi amène la confirmation que la VAM pour ABECHE est maintenue pour mardi, si tout va bien.

Ce soir, je paye ma tournée à la popote.

A 22h00, avec le COMPREVOT, nous sommes de nouveau présents à l’aéroport pour accueillir Christophe, la relève d’Yves. L’avion est à l’heure. Son accueil ressemble au mien, poignées de main, quelques paroles de bienvenue et retour vers la base. Je prépare mes sacs pour le départ de demain. Il faudra se lever tôt.

 

QUATRIEME JOUR

Il décolle enfin, mais...mais....je ne suis pas à bord !!!!!! J'ai pu le rattraper en vol et je débarque à ABECHE Sinon, je prendrais ce lui-là L'avion va-t-il partir ? Rien de moins sûr

Il décolle enfin, mais...mais....je ne suis pas à bord !!!!!!
Il décolle enfin, mais...mais....je ne suis pas à bord !!!!!! 

Mardi 07 décembre, 06h00, Fabien et moi allons déjeuner, laissant Christophe encore endormi. Nous devons être à l'escale pour 07h00, départ de l'avion prévu pour 08h00. S'il veut bien décoller. Nous ne sommes pas seuls à vouloir embarquer, quelques personnels du DETSOUT en liaison administrative pour ABECHE, une section PROTERRE avec armes et bagages. Les jeunes soldats sont harnachés comme des bêtes de somme, bardés de cartouchières et de fusils. Nicolas participe aussi au voyage, il est aussi en poste à ABECHE. Si le Transall reste en rade, nous ne pourrons pas tous embarquer dans le Casa, surtout pas avec les deux palettes de fret.

Trois appareils sont garés sur le tarmac de l'escale de l'armée de l'air française, le Casa et deux Transalls. Plus loin, j'aperçois des hélicoptères de combat et des avions d'appui au sol russes, de l'armée tchadienne, plus loin encore, des carcasses d'antiques appareils dont un ou deux DC 4. Au-delà, près de la piste, se dressent les empennages d'avions immaculés marqués UN.

08h00, aucun signe d'embarquement à bord de notre Transall. Il y aurait une fuite quelque part. Les mécaniciens s'affairent autour d'un moteur. A l'escale, on parle de privilégier la section PROTERRE qui va en relever une autre. Quant à nous, nous serions relégués sur un vol ultérieur, demain ou après demain ou plus tard encore. Nicolas et moi prenons les choses avec philosophie. Je sens Fabien un peu énervé. Il repart en France samedi et toutes ses affaires sont encore à ABECHE. Il se voit rentrer au pays sans.

Nous attendons, face au soleil qui monte de plus en plus haut dans le ciel et chauffe de plus en plus. Lunettes de soleil et couvre-chefs sont fortement recommandés. Il est à peine 08h00, nous cherchons un coin d'ombre. Une patrouille de Mirage 2000 sort de ses abris et s'élance vers le ciel.

Finalement, le Transall est réparé. Nous embarquons tous, pas en cabine, réservée au pilotage, mais en soute, avec le fret. Ici pas de sièges confortables mais des banquettes de toile distendues, inconfortables au possible. Nous décollons vers 09h00. Arrivée prévue vers 11h00, 900 kilomètres plus loin. Le bruit des moteurs est assourdissant. Chacun se scelle les oreilles au bouchon anti-bruit. Il doit y avoir deux hublots de chaque côté de la soute, à des emplacements quasi inaccessibles. Les parois sont des enchevêtrements inextricables de tuyauteries.

La convoyeuse se fait les ongles. Fabien et Nicolas dorment. J'ouvre Millenium.

ABECHE, enfin. La porte de la soute s'ouvre et nous débarquons. Jusqu'à alors je n'avais du Tchad qu'une vision limitée par les constructions de la ville. Ici le ciel paraît plus clair, moins pollué, moins poussiéreux. Au-delà de la piste, vers le Nord, j'entrevois de vastes étendues de plaines semi-désertiques où se dressent, dans le lointain, des pitons isolés. L'aérogare est des plus humbles. Je n'y prête aucune attention. Comme à N'DJAMENA, l'escale de l'armée française n'est qu'un simple hangar poussiéreux, la zone d'attente des passagers un auvent de tôles protégeant des bancs de bois. Le COMDET et les chefs de services du détachement nous accueillent. Dans ce petit coin de campagne tchadienne, l'arrivée d'une VAM est toujours un événement. Jean-Marc, le commandant du détachement prévôtal, me souhaite la bienvenue.

L'équipage annonce les horaires du vol retour, présentation à l'escale à 12h00, décollage à 13h00. Sauf pour ceux qui restent comme la section PROTERRE, Nicolas et moi, les autres ont 01h00 pour régler leurs petites affaires et, éventuellement, déjeuner. Fabien se rassure, une heure lui suffit amplement pour faire ses bagages.

A Camp Croci, les bâtiments sont bas, un unique rez de chaussée, et assez dispersés. Des immeubles en briques, vestiges de l'époque coloniale, côtoient des algécos et des amoncellements de KC20. Les rares arbres ne montent guère à plus de 03 mètres de haut. Les feuilles sont fines et étroites. Leur ombre est squelettique. Les murs des bâtiments sont ornés de fresques militaires naïves, un étalement d'insignes régimentaires et de devises héroïques et latines. Les allées sont bordées de pierres blanches délimitant des parterres de cailloux. Je fais attention où je marche, le sol est piégé des belles crottes des animaux mascottes du camp, une famille d'ânes qui erre à sa guise dans toute la base.

Le bâtiment où je loge est accueillant même s'il accuse son âge. Toutes les chambres sont climatisées. La peinture n'est pas trop défraîchie. Le couloir est proprement carrelé. Les sanitaires sont propres. Ma chambre est plutôt rustique, un peu plus qu'à N'DJAMENA, deux lits, trois armoires un peu de guingois, un bureau, deux étagères de fortune, un frigo, une télé. Le sol est en béton, peint il y a très longtemps. Les murs sont jaune pisseux. L'aménagement de la pièce laisse à désirer mais avec quelques déménagements de meubles, un bon coup de balai, quelques posters adéquats, je devrais m'y plaire. Cerise sur le gâteau, je dispose d'un téléphone branché directement sur l'international, et la France, un routeur arrose de WIFI tout le bâtiment et les programmes télé sont conséquents, dont Canal Plus en clair, toujours intéressant les samedis soirs. Je pose mes sacs dans un coin et je laisse Fabien, précédent occupant, vider les lieux. Jean-Marc me guide dans un premier tour du propriétaire.

Nous déjeunons à 11h30, Fabien est encore occupé à faire ses bagages, il nous rejoint en fin de repas et avale rapidement quelque chose. Nous regagnons l'escale, les passagers attendent déjà, les palettes de fret sont conditionnées, Fabien y glissent ses sacs. Dernières photos d'adieu avec les militaires qu'il a côtoyés pendant ses derniers mois, dernières photos souvenirs, promesses de s'échanger des mails, de se revoir éventuellement, ultimes plaisanteries et il grimpe dans le Tansall avec ses compagnons de voyage. L'avion démarre, balaye l'escale du souffle poussiéreux de ses hélices et s'élance sur la piste. Il disparaît bientôt.

Je suis seul, au milieu de gens que je connais pas, qui parlent une langue mystérieuse, pleine d'acronymes et d'abréviations plus énigmatiques les unes que les autres, COMDET, DETSOUT, COMOTO, PROTERRE, EDA, DPSD, AD, REPFRANCE, COMFLASH, COMPIAF, MR, NTI1....

Je m'accroche aux basques de Jean-Marc en essayant de ne pas paraître trop novice. Etant donné l'heure, midi, il est temps d'aller faire la sieste, fortement recommandée sinon obligatoire jusqu'à 16h30.

J'en profite pour faire un peu de ménage dans la chambre, de bousculer quelques meubles. Je vide mes armoires et remplis mes armoires. Mon lit a une planche en guise de sommier, ça promet de belles nuits.

A la reprise du travail, je rejoins Jean-Marc dans les humbles locaux de la brigade, un bureau, une salle de détente. Nos meubles sont des plus succincts, une armoire, un bureau, deux tables, un fauteuil, une chaise, deux tabourets, un PC et un portable. Notre matériel se réduit à l'essentiel, quelques kits FNAEG, quelques kits STUPS, quelques mallettes PJ, une lampe torche. Notre armement se limite à un pistolet et une paire de menottes chacun.

Jean-Marc me présente rapidement le camp, un peu plus d'une centaine de militaires et de civils français, le détachement de protection, le détachement de soutien, les personnels des économats. Je m'imprègne des consignes, du plan de défense de la base, du plan d'évacuation des ressortissants civils français, du RSI du camp. Je prends connaissance des enquêtes en cours.

A 17h00, il fait déjà nuit. Fin du travail à 18h30, nous allons dîner. Les repas, européens, sont excellents et copieux, ce qui ne manque pas de surprendre pour un si petit détachement mais indispensable pour le moral de cette petite troupe perdue au fin fond de l'Afrique.

Je passe un long coup de fil en France pour donner des nouvelles à ma famille. Des téléphones sont disposés autour du foyer. Des ordinateurs branchés sur internet sont disponibles dans une pièce adjacentes. Je regagne ma chambre pour finir mon installation. Je regarde la télé avant de m'endormir.

 

CINQUIEME JOUR

Mon bureau Mon lit Mon frigo Voyage autour de ma chambre

Mon bureau
Mon bureau 

Mercredi, 08 Décembre, 05h30, la nuit s'éclaire, cérémonie des couleurs. Depuis ma chambre j'entends une sonnerie militaire pendant que la garde doit monter le drapeau. Je flemmarde au lit, prise du travail à 07h30. Mes camarades profitent de la fraîcheur de l'aube pour pratiquer du sport, interdit après 08h00 et avant 17h00. Je vais attendre d'être acclimaté avant de commencer à pratiquer moi-même.

Je fais le tour des différents services pour me présenter. C'est vite fait. Le périmètre du camp fait à peine plus de 1.500m.

L'ordinaire confirme son excellence, je dois faire attention à me restreindre, gare aux kilos.

En fin d'après-midi après la sieste, Jean-Marc et moi prenons la P4 pour accompagner un infirmier faire une course en ville. Je découvre les abords du camp et de l'aéroport. Une longue et large avenue quasiment déserte mène vers le centre ville. J'aperçois un militaire en arme à l'entrée de l'aérogare, affalé sur une chaise. Des lampadaires à panneau solaire, tout neuf, se dressent sur le terre-plein central. Nous bifurquons à gauche sur une autre avenue qui s'anime au fur et à mesure que nous approchons du centre ville. Nous stoppons devant une petite échoppe, une sorte d'épicerie qui vend un peu de tout. l'infirmier achète deux cartons de boissons, du soda fabriqué dieu sait tout, quelque part en Afrique ou au Moyen Orient, les marquages sont en arabe, illisibles. Dès que nous nous arrêtons, les enfants se rassemblent autour de nous, curieux. Nous repartons vers la base. Sur notre droite, sont installés les sièges de plusieurs organisations humanitaires internationales, dont le QG de la MINURCAT.

Ici aussi, les maisons sont basses, abritées derrière de hauts murs hérissés de tessons et de barbelés, parfois un homme en uniforme assure une garde endormie devant le portail.

Les arbres sont beaucoup rares qu'à N'DJAMENA, ils sont remplacés par une poussière abondante et omniprésente.

La nuit s'installe.

 

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